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Mémoires vivantes

Par des gestes propres à la figure du scientifique, Isabelle Gagné active une mémoire inusitée : les bactéries et organismes fongiques en dormance sur les documents d’archives.

Mémoires vivantes par l'artiste Isabelle Gagné

Mémoires vivantes, 2023

Installation: Vidéo couleur, 4min43s; tables lumineuses de laboratoire; boîtes de Petri stérilisées; Agar-agar; estampes numériques sur Sintra, tissu imprimé. Dimensions variables

Par des gestes propres à la figure du scientifique, Isabelle Gagné active une mémoire inusitée : les bactéries et organismes fongiques en dormance sur les documents d’archives. Les bureaux du Sabord, tout comme l’atelier de l’artiste, sont devenus un véritable laboratoire d’expérimentation. La spécificité du lieu, en l’occurrence le sous-sol où se trouvent les locaux de la revue, a déterminé les conditions pour la prolifération des « nutriments » nécessaires à la croissance et au développement des spores : taux d’humidité, pH, circulation de l’air, lumière, etc. Alors que ces organismes vivants sont généralement malvenus au sein d’espaces de conservation, souvent perçus comme des « ravageurs de biens culturels », puisqu’ils détruisent la matière, le projet d’Isabelle Gagné exploite ces conditions bactériologiques et assume l’effacement d’une mémoire au profit d’un autre type mémoriel, empreint des vestiges et des fragments : il s’agit d’écrire une histoire en parallèle où bactéries et moisissures opèrent tels des glitchs dans un souvenir. 

À l’aide de 40 écouvillons, Isabelle Gagné a effectué des prélèvements du vivant, lequel se trouvait sur des pièces d’archives du Sabord minutieusement sélectionnées – dont une image de l’équipe datée des années 1990 – ainsi que sur des surfaces, soit le papier et le mobilier de l’espace de travail. L’hypothèse est la suivante : les personnes entourant la revue, passées et présentes, ont laissé des traces qui ont aujourd’hui favorisé la pousse de cultures bactériennes et fongiques. À la suite de cette expérimentation, certains résultats ont été constatés et analysés, dont le fait que des matériaux ont contribué davantage à la prolifération du biologique que d’autres – par exemple, les copies du numéro 65 de la revue Le Sabord. Avec vitalité, l’œuvre d’Isabelle Gagné démontre que, malgré tous les efforts de conservation des institutions, des récits indépendants survivent, au-delà des mots et des discours. 

— Texte de Karine Bouchard, commissaire

Ce projet a été réalisé dans le cadre de l’exposition Archivez le futur pour les 40 ans de la revue Le Sabord

 
Mémoires vivantes - études de bactéries. Vue de l'installation. Pétri, agar agar, archives et table lumineuse

Memoires vivantes - Animation des moisissures et bactéries

 

Merci à l’atelier Silex pour l’accompagnement ainsi qu’à toute l’équipe du Sabord pour leur ouverture dans le cadre de ce projet.